Journal de Jane Steward - Partie 23 -
Je n'arrivais même pas à m'endormir. Je passais l'heure entière à tourner et me retourner dans mon lit incapable de trouver le sommeil.
Plus que cinq heures à attendre.
J'avais chaud, soudain saisie par une fièvre intense puis deux secondes après, saisie de froid, je grelottais bruyamment.
La faim me taraudait aussi, atrocement, autant que la douleur lancinante qui me vrillait la gorge.
La morsure sur mon cou me démangeait et m'élançait comme si elle était "vivante"et des milliers d'hallucinations étranges me venaient m'empêchant de céder au repos.
Mais de guerre lasse, je finis par m'endormir.
Je me réveillais soudain en sursaut : comme si tout-à-coup, il était au-dessus de moi et qu'il m'embrassait, j'avais encore la sensation de ressentir son corps peser sur le mien et de sentir ses lèvres sur les miennes.
Je me levais le coeur battant mais soulagée, il était toujours en train de dormir, silencieux, immobile.
Au vu des symptômes qui commençaient à m'assaillir, je me disais que je ne devais pas être loin de l'heure fatidique à laquelle il se réveillerait pour quémander son dû.
Je tremblais de plus belle et j'ondulais d'une façon bizarre, mon souffle s'accélérant rien qu'à l'idée de sa présence à proximité.
Je n'ose transcrire ici les pensées incendiaires qui me traversaient l'esprit à son sujet, ni les appels muets que je lui lançais sans aucune inhibition : j'en rougirai.
Je me dirigeais vers la salle de bain pour me passer le visage à l'eau froide, histoire de me rafraichir les idées et j'en profitais pour boire un peu.
L'eau m'apporta quelques minutes de répit tandis que dans ma tête, mes pensées jouaient à s'affronter entre elles, tantôt lubriques et vertueuses dans une obsédante cacophonie.
En me retournant, je fus heureuse d'apercevoir une commode que je n'avais même pas remarquée, une aubaine ! Si seulement, je trouvais une écharpe ou un col roulé !
Au lieu de cela, je trouvais de vieux vêtements mais qui feraient parfaitement l'affaire : une veste de cuir rouge au col haut juste fermé par deux petits boutons, un caraco écarlate en laine avec de grandes et longues manches et, une épaisse et grande jupe de lin vermillon.
Pour faire taire mon ventre qui grondait famine, je m'appliquais à faire apparaître deux pommes que je dévorais avec délectation.
Je me trouvais les traits tirés, et la mine affreuse.
Il était temps de reprendre le dessus, je me disais que le mieux était de me concentrer pour le temps qu'il me restait sur mes livres d'alchimie, et peut-être trouver une potion qui résoudrait mes problèmes.
J'étudiais cherchant sans relâche.
Après avoir également feuilleté le grimoire, je tombais in extrémis sur une potion intéressante à tester. Mais serait-elle efficace contre Aydann ?
Mes mains étaient tremblantes tandis que j'ajoutais scrupuleusement tous les ingrédients, je luttais contre le manque qui se faisaient maintenant ardemment sentir. Je devais me hâter, je savais qu'il ne tarderait pas à se réveiller.
Je finissais de remplir ma flasque lorsque je l'entendis tempester de l'autre côté du mur qui nous cloisonnait.
"Jane ! Ou êtes-vous ! Il est minuit ! Faites votre devoir et venez ici.." hurlait-il comme un dément.
Je cachais ma flasque sous mon gilet, et lissais nerveusement ma robe tout en m'approchant de lui. Il était sur son cercueil et me regardait fixement.
"Et bien !" lança-t'il avec ironie. "Ce changement de tenue très "époque contemporaine" vous va a ravir, Jane. Approchez donc que je puisse mieux vous voir..."
Je m'exécutais. Je ne pouvais faire autrement. Il me dévisageait avec insistance suivant chacun des pas qui me séparaient de lui.
"Si j'avais su que vous vouliez un peu plus de cérémonie pour notre second rendez-vous, je me serais apprêté." persifflait-il.
Je savais qu'il avait compris pourquoi je m'étais couverte ainsi et il surjouait en se délectant de ma souffrance physique causée par le manque et la fièvre.
"Diantre ! Que vous êtes belle ! J'ai presque honte de ma tenue..." continuait-il badin.
Alors qu'il voyait mes lèvres trembler, et mes mains se resserrer sur mes bras, il paradait :
"Mais nous ne sommes pas à quelques minutes près, Jane, vous avez tout votre temps, n'est-ce-pas."
Le fourbe ! Il voyait la sueur descendre le long de mon front et soupçonnait qu'elle roulait le long de mon cou et de mon échine et, il se gaussait de me faire attendre, et de poursuivre mon supplice.
Mes yeux se rétrécirent de rage mais je la contenais.
"Je m'éclipse quelques minutes... Attendez moi, je vous en prie... Jane. Je ne serais pas long."
L'attente fut une torture. Il jouissait de me faire languir. Peut-être pour que je ne puisse plus lui résister quand, enfin, il déciderait d'abréger mes souffrances.
J'étais à deux doigts de perdre connaissance quand le crépitement statique se fit entendre de nouveau.
Je n'en croyais pas mes yeux. Aydann ! Sa cure de jeunesse était fulgurante !
"Ta-da-aaaa !" osa-t'il dire alors que j'avais la mine décomposée.
Je faillis défaillir.
"Je vous en prie, Aydann. Arrêtez."
"Comment, Jane ? Vous aurais-je fait attendre ?"
Je le regardais, blanche comme un linge. L'heure étant dépassée de quelques dizaines de minutes seulement, et je vivais un calvaire.
Je me détournais de lui, incapable de le regarder.
"Quelque chose ne va pas, Jane ?" railla-t'il.
J'avais de plus en plus de peine à me concentrer, victime d'un alanguissement pénible et incontrolâble. Et plus je souffrais, plus il prenait plaisir à me voir vivre le matyre.
Je ne supportais même pas de le regarder. Voir son nouveau visage, plus jeune, plus proche de celui que je connaissais, non, je ne pouvais pas.
Plutôt mourir et en finir avec toute cette mascarade...
Ma gorge se serrait, j'étais prête à pleurer. Comment regarder celui qui était le père de mon enfant et que j'aimais par dessus tout, continuer à se conduire comme un goujat de la pire espèce.
"Allons, Jane. Cessez de vous faire souffrir inutilement. Demandez-moi d'apaiser vos souffrances..."
Il savait que je ne pouvais pas faire autrement et se délectait de ma souffrance.
"Demandez-le moi, Jane..."
Je ne voulais toujours pas le regarder.
"Fais ton office, Vampire" murmurais-je difficilement.
Il trépigna comme un enfant gâté qui n'a pas eu son jouet et se retourna.
"Ah non, Jane ! Pas comme cela. Pas après tout ce que vous avez pris soin de faire !" se moqua-t'il en montrant ma robe fermée jusqu'au cou.
"Soyez plus enjouée, désireuse. Suppliez-moi, que Diable ! Je vous ai entendu plus démonstrative cet après-midi..."
Je l'affrontais cette fois avec dédain.
"Ne surjoues pas trop, Vampire." dis-je avec le peu de force qu'il me restait. "C'est la dernière fois que je te le dis : Fais ton office, ou tu seras privé de ta pitance aujourd'hui, si tu l'as refuse à nouveau. Et, tu rompras toi-même notre propre accord... Est-ce clair !"
"C'est clair, Sorcière !" me répondit-il avec le même dédain.
Puis soudain, alors que je ne m'y attendais pas, il plongea sur moi et m'attira à lui.
"Venez ici !"
"Vous croyez que ce ridicule col empècheraient mes crocs de vous atteindre ?"
Je sursautais car il fut sans pitié. Ses mains se refermèrent sur ma taille et il enfonça ses canines avec férocité dans ma gorge traversant le cuir.
Je vacillais vers l'arrière tandis qu'il suçait mon sang avec délectation et sans aucun ménagement.
"Vous m'appartenez, Jane, ne vous en déplaise... Et ce depuis la nuit des temps..." souffla-t'il tout contre ma peau en interrompant ses lentes succions.
Je ne comprenais pas ce qu'il disait. J'étais subitement envahie par une douce chaleur et cela me suffisait. Tandis que mon coeur battait la chamade et commençait à s'affoler, je sentais son corps entier tressaillir contre le mien, à son écho.
Il resserra son étreinte et me plaqua contre lui pour me mordre encore une fois. Je fus happée par cette nouvelle succion, pantelante et incapable de lui résister, littéralement liquifiée sous ses crocs intransigeants.
Je n'arrivais pas à le repousser encore plus alanguie et à sa merci qu'avant. Je respirai mal, fort, et ma bouche était sèche. Tout mon corps était maintenant prédisposé à lui servir de nourriture et cédait à la loi du plus fort, à lui.
Ma tête bascula en avant car mon corps entier s'amollissait au gré de ses aspirations, je n'avais plus de résistance à sa grande satisfaction et, il en soufflait de plaisir.
J'étais à lui, voilà ce que sans cesse, il semblait me répéter dans sa façon de se resserrer contre moi, de fermer ses doigts sur ma taille, d'avancer ces cuisses contre les miennes, de prendre mon sang.
Lorsqu'il me sentit à bout, il desserra sa bouche de ma jugulaire, apposa un léger baiser comme pour marquer sa propriété et me relâcha.
Encore étourdie, je le regardais essuyer sa bouche d'un revers de la main...
... puis se délecter encore des coulées de sang qui trainaient aux coins de sa bouche et sur son menton pour se régaler des dernières "miettes".
Je devais réagir maintenant, mais je ne pouvais pas. Toujours le même fatal affaiblissement qui me saisissait me laissant presque anéantie. Et il paradait de me voir incapable de faire quoique ce soit à cause de lui.
"Maintenant, vous allez rester avec moi, Jane, ici dans cette pièce. Inutile de retourner dans ce prétendu "refuge"." commença-t'il à prononcer d'un ton hypnotisant toujours plus désireux de faire céder mes dernières volontés.
"Je vous veux le jour et la nuit, et au gré de mon appétit... Sorcière !" intima t'il inflexible.
Il plongea ses yeux ardents cherchant les miens et continua d'une voix mielleuse :
"Je le sens en vous, Jane comme une maladie qui vous ronge" susurra t'il "Abandonnez et venez à moi pour contenter cette fièvre qui vous consume... Je suis le seul remède au mal qui vous dévore..."
Il était temps d'agir avant qu'il ne réduise à néant mes dernières forces par ses litanies endormissantes et séductives.
Je sentais la fiole sous mon gilet, mes doigts se resserrèrent sur le flacon fermement.
Avant qu'il n'ajoute quoique ce soit d'autre, et bénéficiant de l'effet de surprise, je saisis la flasque...
... et la jettais au sol, juste à ses pieds, libérant le sortilège que je lui destinais.
"Qu'as-tu fait, Sorcière !" me dit-il étonné.
"Je t'ai juste tenu à l'écart de moi, Vampire afin que tu respectes les accords prévus..."
Tandis que je voyais un nuage rosâtre s'échapper de la fiole et l'environner, je doutais de ma réussite. Et si le sort échouait... Se serait la fin pour moi. Jamais, il ne me pardonnerait mon geste.
Je tentais un geste de recul tant qu'il feignait la surprise.
"Jane ! Pourquoi ?" minaudait-il.
"Et Pourquoi Pas !" dis-je en reculant d'un pas de plus. "Vous préoccupez vous de la façon dont vous me faîtes souffrir ! "
"Je vous fais souffrir ! Moi ?" raillait-il.
"Mais tu adores cela... Regarde toi... Ecoute toi. Pourquoi lutter contre l'évidence..."
Je paniquais. Rien pas un signe. Et il devenait de plus en plus menaçant à mon égard. Il s'avançait dangereusement vers moi. J'étais persuadée qu'il ne me laisserait plus une seconde chance.
"Je te l'ai déjà dit, tu as fort à faire avec moi, Sorcière et ce n'est pas tes petits tours de magie qui auront raison de moi..."
Je crus déceler un affaiblissement dans le ton de sa voix qui baissait progressivement, mais en étais-je sûre ? Et si...
Puis soudain, je le vis chanceller vers l'avant et baisser la tête. J'avais de la peine à le croire mais le sort avait fonctionné !
"Traîtresse" l'entendis-je murmurer à mon encontre.
"Tu ne perds rien pour attendre..."
Puis il s'écroula lourdement à terre, à mes pieds, touché de plein fouet par mon sort de sommeil.
Je restais un instant, tétanisée mais soulagée : j'avais réussi.
Aujourd'hui, j'avais eu ma revanche. J'avais gagné et ce, jusqu'aux prochains coups de minuit.
Si j'arrivais à tenir jusque là car je me sentais de plus en plus fièvreuse et malade.
Je me dépêchais de regagner mon refuge le laissant figer dans un sommeil de plomb ignorant pour combien de temps, il dormirait ainsi.
Soudain je fus prise de tremblements importants et de crampes dans tous le corps, je tombais sur mon lit incapable de rester debout, mes jambes refusant de me porter.
La douleur était comme un étau qui me saisissait toute entière et j'étais comme clouée à mon lit sans pouvoir bouger jusqu'à ce que je sois prise de sevères convulsions.
Un mal atroce de ventre me fit hurler de douleur et m'obligea à me lever.
Je poussais maladroitement ma chaise sans parvenir à m'assoeir dessus jusqu'à ce que mon estomac se soulève et que je vomisse.
C'était terrifiant même endormi, il continuait à me faire vivre un véritable enfer.
A SUIVRE