Journal de Jane Steward - Partie 22 -

Le monde auquel je croyais s'écroulait sous mes pieds comme un château de cartes... Il n'y avait plus rien auquel je pouvais m'accrocher maintenant. 

Je me sentais seule et perdue. C'était comme si mon coeur venait se briser en mille morceaux, et je n'avais plus aucun repère. 

J'avais le visage inondé de larmes et le corps secoué par d'atroces soubresauts tandis que je l'entendais encore rire aux éclats de l'autre côté du mur.

La rage me prit soudain quand je l'entendis continuer à me narguer de l'autre côté de la pièce et se moquer de mon chagrin.

Seulement au moment où je voulais l'invectiver, mon corps entier se mit à trembler, et je tombai lourdement à terre. Ma gorge devint sèche et je me sentais soudain prise d'une fièvre soudaine.

Je me redressais péniblement sans un seul geste d'aide de sa part, il était froidement en train de me regarder.

J'étais saisie de surprise : mon cou me faisait atrocement souffrir et me lançait douloureusement.

Puis le pire arriva sous le rire démoniaque de mon tortionnaire. Telle une drogue qui avait coulée dans mes veines m'offrant le souvenir d'un paradisiaque bien-être, le manque vint me frapper au visage avec violence et intransigeance.

Ma tête était lourde et j'étais assaillie de tressautements et de râles que je ne pouvais contrôler. 

Je fus saisie d'une fièvre incontrôlable qui me pétrifia sur place me laissant étourdie et pantelante.

L'horreur fut de m'entendre gémir. Je me sentais prête à l'appeler pour venir terminer sa tâche : persuadée qu'il mettrait fin par sa morsure et sa saignée à l'atroce douleur qui me vrillait la gorge et le corps et, dont j'imaginais que mon corps avait besoin pour retrouver son calme.

D'ou j'étais, je le voyais me regarder, il suivait attentif le moindre de mes gestes. Il savait qu'il n'avait pas besoin de parler, le mal était fait.

Ses morsures m'avaient suffisamment contaminées pour qu'il n'ait plus rien à dire, qu'à attendre que je céde et que je vienne à lui, repentante et soumise, pour demander ma délivrance où que je l'autorise à pénétrer dans mon refuge et signer ainsi mon propre arrêt de mort. 

Je devais absolument faire quelque chose, m'occuper l'esprit, ne plus penser à lui, au risque de laisser échapper une malencontreuse invitation que je pourrai atrocement regrettée.

Je décidais de prendre une douche. Je me dirigeais vacillante vers la salle de bain.

Par chance, le petit refuge d'Emma, qui n'était en fait que la pièce qu'elle avait aménagée pour elle tandis que je prenais sa chambre avec le bébé, disposait de toutes les commodités.

Je savais qu'il me suivait du regard de là où il était, et qu'il épiait le moindre de mes gestes, me traquant de loin, accentuant l'emprise qu'il avait sur moi. Mais plus rien n'avait d'importance. 

Je pris une douche froide pour calmer les ardeurs qui me dévastaient le corps au souvenir des lentes succions qu'ils m'avaient fait subir. Surtout ne pas y penser. Je frottais vigoureusement mon corps, mes bras, mes jambes, comme pour me réveiller de cette létargie qui s'emparait de moi. 

L'effort de prendre cette douche m'avait coûtée : je me sentais soudain pâle, les yeux tirés, fatiguée, malade. Comme si en quelques minutes, j'avais perdu une dizaine d'années de ma vie mais peut-être n'était-ce que le fruit de mon imagination.

Je sortais en sous-vêtement incapable de supporter mes habits, ma peau me faisait atrocement souffrir, et j'étais incapable de me rhabiller prise d'un soudain alanguissement. 

Toujours devant la porte, il avait adopté une position statique comme si il dormait debout mais en gardant les yeux ouverts, et il suivait le moindre de mes gestes avec un petit air sardonique. 

Je vacillais vers le bureau, m'accrochant à la chaise et l'a renversant malgré moi, puis atteignait la seconde bibliothèque heurtant les livres, puis me regardait dans la glace.

J'avais les yeux cernés, le visage tiré et pâle. Je détestais cette cicatrice étrange qui me marquait le cou, si seulement elle pouvait s'en aller et avec elle, cet étrange sentiment d'être sa propriété.

Jamais Emma ne m'avait dit que j'aurai à lutter contre ce sentiment intense de possession qu'il me faisait subir atrocement : pourquoi avait-elle omis d'en parler ? N'est-ce pas plus difficile de résister à cette sensation, que de lui servir "juste" de nourriture ? C'était à en perdre la raison...

Je dénouais nerveusement mes cheveux pour couvrir ma gorge. Mon Dieu ! J'avais les pointes blanches comme si j'avais soudainement vieillie !

Les paroles d'Emma me revinrent en tête : il prendra ta vie à chaque fois qu'il boira ton sang.

Oubliant les effets secondaires qui me martyrisaient le corps, je me précipitais vers lui, folle de rage.

"Que m'avez-vous fait !" lui demandais-je terrifiée.

Mû d'un sixième sens exceptionnel, il sortit brusquement de son sommeil.

Il se gaussa immédiatement de ma réaction roulant des épaules et de la tête. 

"Qu'est-ce que je ne vous ai "pas fait" plutôt" corrigea t'-il d'une voix agaçante. "Pauvre petite Jane Steward... Vous n'êtes pas au bout de vos surprises..."

"Je vous déteste..." hurlais-je. 

"C'est le cadet de mes soucis, ma petite demoiselle" persiffla-t'il. "Je vous l'ai déjà dit ces simagrées ne sont pas pour moi... Par contre, j'adore vous voir souffrir... Cela réveille en moi tout un panel de sentiments que je soupçonnais pas."

"Cessons ce petit jeu stupide ! Vous m'agacez..." 

"Je ne vous le fait pas dire... Je préfère largement quand vous vous taisez aussi !"

"Je vais d'ailleurs continuer à dormir et, vous devriez en faire autant... Votre sang va tourner à force de vous énerver et je déteste cela... Ne soyez pas égoiste, ne pensez pas qu'à vous... Allez soyez une bonne petite fille et, allez vous coucher... Il est presque sept heures... N'oubliez pas que vous avez un contrat avec moi... Vous vous souvenez à minuit tapante... Contrairement à vous, j'ai bonne mémoire malgré mon âge..."

"Je n'ai aucun contrat avec vous..." lançais-je rageuse.

"Vous me cassez les oreilles, Jane."

Il soupira :

"Que les femmes sont pénibles. Jamais contentes du bien qu'on leur fait et ingrates en plus de celui qu'on ne leur fait pas..." ironisa-t'il. 

"Vous n'avez pas de contrat avec moi, non, si vous préfèrez le voir sous cet angle... Mais avec Emma, oui. Vous êtes ici pour me nourir, comme elle vous a demandé de le faire et ce, à minuit." 

"Ne risquez pas de l'oublier et de me désobéir sinon la prochaine fois, je vous saigne en une fois..." gronda t'il.

"En une fois ! Vous ne feriez pas çà !" répondis-je terrorisée.

"Si ! Je suis un VAMPIRE!!!"

"Allez vous coucher MAINTENANT ! Et cessez de remuer, vous m'empêchez de dormir et contrairement à vous, j'ai besoin de SOMMEIL, moi !"

"Et si je vous dis non !"

Il sembla fulminer intérieurement car il se retourna.

"Vous ne pouvez pas me dire non." chuchota t'il d'une voix basse.

Puis soudain il envahit mon esprit, tout en fixant ses yeux rouges sur moi.

Je n'entendis qu'un "Dors !" et en une fraction de seconde à peine, je m'écroulais par terre.

"Ben voilà, vous n'aurez plus qu'à vous plaindre d'avoir attraper un bon rhume, maintenant..."

Il se passa bien une heure avant que je me réveille de cette étrange torpeur où il m'avait mise.

Je me levais difficilement, prise de nouveaux tremblements : plus que six heures.

J'avais l'impression que mon cerveau comptait déjà la distance qui me séparait entre maintenant et ma prochaine saignée, me rappelant férocement que jamais je ne pourrais contrôler l'envie qui me tenaillait et qui commençait à me tarauder cruellement.

Je jettais un coup d'oeil de son côté, il avait repris sa place au-dessus de son cercueil et parassait dormir. 

Frigorifiée, je décidais de me mettre au lit et de me réchauffer sous les couvertures.

Je détestais ce qui se passait dans mon corps : ce manque qui grossissait au fil des minutes qui s'égrennaient. 

A SUIVRE