Journal de Jane Steward - Partie 11 -
Le réveil marquait 14h18. J'avais récupéré de ma nuit blanche en dormant huit heures d'affilée.
Etrangement, je me sentais bien : un peu comme lorsqu'on est sûre d'avoir été portée par le plus magnifique des rêves.
Seulement, j'avais beau essayer de penser à quoi j'avais bien pu rêver pour avoir un tel état d'esprit, rien ne me revenait en mémoire, sauf cette intense satisfaction qui me picotait partout dans tout le corps me laissant d'agréables sensations.
Je jetais les couvertures vers l'arrière, prête à appréhender ma journée de travail dans les meilleures dispositions possibles : finalement c'était déjà énorme !
Un petit tour à la salle de bain pour me relaxer dans un bon bain, un petit déjeuner léger et je pourrais partir l'esprit tranquille.
Un coup d'oeil près du téléphone, m'indiqua qu'hier j'avais oublié de raccrocher mon téléphone. Ah oui ! je devais appeler de vieilles connaissances pour sortir un peu : histoire de me changer les idées... et d'oublier Aydann Crosswood.
Les noms de toutes mes connaissances défilérent devant mes yeux mais je n'y accordais pas d'importance : non décidément aucun ne pourrait convenir... je raccrochais...
Etrange ce sentiment de satisfaction qui me suivait encore, c'était comme un souffle positif qui inondait mon esprit, des phrases rassurantes que seule mon âme avait pu entendre : j'haussais les épaules sans me rendre compte que je gardais un large sourire aux lèvres, des joues rouges et un regard étoilé pour une nuit dont je n'avais aucun souvenir.
La voiture klaxonna à l'extérieur : c'était Harry qui venait me chercher, je lui faisais signe que j'arrivais le temps d'enfiler ma blouse de travail et de croquer une pomme. J'avais hâte de retrouver mon travail et de commencer mes recherches : tout simplement.
Je ne m'étais même pas aperçue que je venais d'oublier complétement mes recherches sur Aydann Crosswood.
Ce fut la rencontre de Hans Cheurlet au travail qui me le fit comprendre. Son air dépité et sa mine défaite me rappela ma promesse, je devais absolument savoir quel était le compte-rendu de l'autopsie de sa femme au sujet de la mort suspecte de Bertille.
Je décidais donc d'aller après le travail chez Lola Rose pour en savoir un peu plus sur le sujet : la jeune femme travaillait depuis peu dans la Police de la ville.
D'après Sébastian, Lola était mére célibataire, elle vivait avec sa soeur et leurs deux enfants respectifs dans une petite maison cossue de Riverview. Dés qu'elle sut que j'étais une amie proche de Sébastian, elle fut ravie de m'accueillir chez elle et de me faire entrer dans sa cuisine. Pour ne pas paraître trop directe, je l'amenais aimablement à me parler de sa profession.
Je m'aperçus qu'elle était assez passionnée sur le sujet car notre conversation dura assez longtemps sur ce propos.
Mais ce fut un réel plaisir de partager le récit de quelques unes de ses arrestations musclées auxquelles finalement, je me vis prendre une part plus qu'active...
Finalement, je pus glisser la conversation sur mon travail, puis sur le malheur qui nous avait tous frappés au laboratoire : l'annonce de la mort de l'épouse d'un collègue. Bien qu'elle fut en charge de l'enquête, elle me conseilla d'aller voir sa supérieure le lieutenant Shee Lah, elle seule, pourrait discuter avec moi des détails de l'affaire, seulement si mes motivations étaient purement scientifiques ou littéraires. Je lui assurais que les conclusions de l'autopsie de Bertille me permettrait de peaufiner une thése qui me permettrait un avancement certain pour ma future promotion. Je ne rougissais pas de mon mensonge : oeuvrer pour la communauté et débarasser Riverview d'Aydann Crosswood était mon seul objectif.
J'allais donc sonner chez le lieutenant Shee Lah.
Aux premiers abords, le lieutenant Shee Lah m'apparut fort sympathique, vue avec quelle décontraction elle vînt m'accueillir. Je lui demandais de tout go si elle avait déjà entendu parler de moi ou du laboratoire pour lequel je travaillais et je venais faire des recherches. Gentillement, elle me fit entrer et me demanda de m'installer dans un joli salon largement agrémentés de plantes.
Le lieutenant Shee connaissait la réputation du laboratoire et elle me dit qu'elle était ravie de recevoir chez elle, une imminente chercheuse. En soi, nos travails respectifs étaient très proches et aussi passionnants, c'est ce qui la décida à me laisser la questionner.
Je lui expliquais briévement que j'espérais une collaboration "exceptionnelle" des forces de Police pour m'aider à étudier les différents cas de morts suspectes sur lesquelles j'enquêtais.
Je lui assurais ma profonde loyauté pour la science et mon désir d'obtenir par ce biais une nouvelle promotion.
Je lui appris sans détour que j'avais été touchée par la mort de l'épouse d'un de mes collégues Hans Cheurlet et que j'avais promis de mettre mes compétences au service de la résolution de l'enquête. Je me risquais donc àinterroger le lieutenant Shee Lah sur l'affaire Bertille Cheurlet.
"Savez-vous ce qui s'est passé pour Bertille Cheurlet, Lieutenant Shee" demandais-je sans détour. "Pouvons-nous parler d'une mort suspecte ?"
"Je vais être directe avec vous, Miss Steward... nous n'avons pas beaucoup de piste en réalité, et nous sommes même à deux doigts de classer définitivement l'enquête.... faute de preuve et de suspect."
Je fronçais les sourcils contrariée.
"Si votre esprit d'analyse peut nous aider à résoudre ce mystère, je ne suis pas contre... Mais rien ne nous permet de penser à autre chose qu'un accident.... C'est de toute façon ce que l'autopsie nous révèle : Bertille Cheurlet est morte d'un arrêt cardiaque... "
Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi Aydann Crosswood s'en sortait encore à si bon compte surtout après ce qu'il m'avait fait voir. C'était lui qui avait précipité la mort de Bertille Cheurlet mais comment le prouver ! je grondais :
"La justice doit être rendue, Lieutenant Shee, que penserait son mari Hans Cheurlet si vous arrêtez déjà l'enquête ! Si Bertille n'avait pas de problème de coeur connu, il est possible qu'elle soit morte en ayant peur de quelque chose ? non ? Peut-être s'est-elle fait attaquée tout simplement ?"
Le lieutenant Shee haussa les épaules :
"Dans sa cuisine ? "
Je rageais. Aydann Crosswood avait pris le temps de ramener Bertille chez elle et de faire croire à un accident. Le fieffé renard !
"Avez-vous cherché ailleurs, dans d'autres villes, si un drame identique n'était déjà pas arrivé ?" tentais-je en désespoir de cause.
"La police a effectué toutes les recherches possible, Mademoiselle Steward, il ne faut pas voir le mal partout. Pourquoi voulez-vous que Bertille se soit fait attaquer par quelque chose en plus chez elle ?"
J'insistais :
"Etes-vous sûre de n'avoir trouvé aucune trace suspecte sur le corps de Bertille Cheurlet ?"
Tout-à-coup le lieutenant pris un temps pour réfléchir. Mon insistance semblait avoir produit un déclic chez elle.
"J'ai effectivement fait des recherches pour savoir si des cas similaires avaient été enregistrés dans les villes voisines, et j'ai pu réaliser que ici même à Riverview, nous avons eu des fait divers bien étranges... maintenant que vous m'y faites penser... Il y a quelque chose que je dois vérifier..."
Je levais un sourcil, soudainement intéressée, ce qui fit continuer le lieutenant Shee.
"Il y a plusieurs mois maintenant nous avons eu plusieurs plaintes de jeunes femmes. Toutes ont rapportées qu'elles se sont faits agressées, lors de leur balade nocturne dans le parc ici même à Riverview, par un animal étrange qui leur a soudainement sauté au cou. Toutes rapportent avoir été victime d'une morsure suivie d'une longue succion qui les auraient affaiblies avant même qu'elles ne se sauvent terrorisées... toutes ont signalées à la Police, l'étrange marque qu'elles portaient sur le cou aprés leur agression... deux trous étranges... C'est justement ce qui m'intrigue... je crois avoir lu sur le compte-rendu d'autopsie de Bertille Cheurlet que des marques similaires avaient été constatées..."
"Vous êtes bien perpiscace, Mademoiselle Steward. Merci. Je suppose que vous ne méritez pas votre poste pour rien..."
"Mon travail me permet en effet de voir les choses d'une manière différente et de garder un esprit analytique. Avez-vous pu capturée cette bête étrange, finalement, Lieutenant, et mis un terme aux attaques qui a eu lieu en ville ?"
Le lieutenant eut un large sourire :
"L'affaire a été classée, Mademoiselle Steward. Elle était sans gravité en définitive... les attaques ont cessées... et nous avons abandonné nos recherches..."
La colère me prit soudain :
"Sans gravité ! mais vous avez laisser quand même courir un être responsable de ses attaques !!! Et c'est peut-être cette "chose" qui a attaqué Bertille Cheurlet ! C'est quand même affolant d'entendre çà !"
"Calmez-vous, Jane. Rien ne vous permet de dire cela. Vous semblez bien résolue à croire qu'il s'agisse d'une "chose" incontrôlable mais quand savez-vous ?"
"Je n'ai pas classé ses affaires de mon propre chef. J'en ai parlé directement à notre Maire et c'est lui qui a pris la suite..."
"Il m'a assuré qu'il prenait l'affaire en main et qu'il allait lui-même chassé cette bête sauvage de notre ville si il le fallait. Finalement, il a du réussir à le faire puisque nous n'avons enregistré aucune plainte depuis."
"Tiens donc" pensais-je en moi-même. Cela devait bien arranger les affaires d'Aydann Crosswood...
"Seulement, vous l'avez dit vous-même. Cette "chose" est peut-être revenue et cette fois, elle s'en ait pris à une autre victime, vous ne pouvez pas le nier... je suis sûre que les marques étranges sont les mêmes que celles que vous avez constatées sur les femmes qui ont été agressées. Que va-en penser votre hiérarchie cette fois ?"
"J'ai toute confiance en notre maire. Si les marques constatées sont les mêmes nous réouvrirons l'enquête et ferons le nécessaire."
"Pensez-vous vraiment qu'Aydann Crosswood soit habilité à régler ces affaires lui-même" rétorquais-je d'un ton soupçonneux "N'est-ce pas à la police à le faire ?"
Le lieutenant paraissait réfléchir.
"Quoique vous puisiez en penser, Jane. Notre maire dispose de moyens musclés pour régler les problèmes mieux que nous le ferions nous-même... et si il apprend que la "chose" est de retour, il fera le nécessaire. Soyez-en persuadée."
"Je parlerais à Aydann Crosswood de vos sentiments sur cette affaire, vous savez qu'il est vraiment ouvert à tout, n'est-ce-pas ?"
Je fronçais les sourcils.
"Non... inutile de parler de moi à Aydann Crosswood... Je..."
"Bien sûr que si , Jane. C'est un ordre du Maire lui-même : être au courant des désirs de ces citoyens en toutes circonstances. Même si vous êtes tout nouvellement arrivée à Riverview, vous faîtes partie de notre communauté maintenant. Il est donc normal que je parle de votre inquiétude au sujet de cette affaire.... Vous verrez, il est toujours ravi de trouver des solutions personnelles aux problèmes de ses concitoyens, il s'investit énormément pour notre chère petite ville, vous savez..."
"Bien sûr, je suis convaincue..." fus-je obligée de dire pour ne pas éveiller les soupçons.
"A la bonne heure, Jane" me lança le lieutenant Shee. "Il est tard et je commence de bonne heure demain. Soyez rassurée. Notre conversation ne sera pas vaine. Je vais confronter les deux marques et si elles s'avérent être semblables, J'en aviserai moi-même qui de droit..."
Je baissais la tête, dépitée, tout en me levant pour partir. Décidément, notre cher vampire avait tissé une toile machiavélique sur la ville et ses habitants et tout revenait confortablement à lui. Je me sentais abatue : que pourais-je faire contre Aydann Crosswood maintenant, si il gérait tout de bout en bout...
Le lieutenant Shee perçut mon abattement car elle me serra amicalement dans ses bras, par chance, elle se trompa sur les motifs de mon désapointement.
"Allons, Jane... ne craignez rien, je préviendrais dés demain, Aydann Crosswood sur vos inquiétudes. Je suis sûr qu'il lancera lui-même une battue dans les contrées et vous serez de nouveau rassurée... Rien ne dure ici à Riverview, le maire et la police veillons à votre sécurité..."
J'étais encore plus dépitée par cette annonce qui semblait être une vraie publicité électorale. Décidément, Aydann avait main basse sur toute la ville. Mais comment pouvait-il en être autrement : n'avait-il pas dans cette ville la plus haute de toutes les fonctions. Il me semblait l'entendre rire de loin...
J'avais à peine franchie la porte que déjà le lieutenant Shee saisissait son téléphone. Pas la peine de me dire qu'elle téléphonait déjà à Aydann Crosswood.
Bon d'une certaine façon, il entendrait encore parler de moi aujourd'hui, et cela aurait pour effet de le contrarier...
J'étais à peine sortie dans le jardin qu'il me semblait apercevoir la sylhouette noire d'Aydann Crosswood,lui-même. Déjà ! Et bien, il ne perdait pas de temps. Il avait répondu à l'appel de Shee Lah en à peine une fraction de seconde.
Je me collais au chambranle de la fenêtre extérieure pour essayer d'espionner leur conversation. Comme promis, le lieutenant lui rapportait les moindres détails de notre conversation... Je ne pouvais pas la blâmer, elle croyait certainement bien faire.
Aydann Crosswood semblait tempérer le lieutenant Shee Lah. Peut-être prenait-elle mon parti ? C'est sûr que la ville ne pouvait pas se permettre d'avoir un tel problème sur les bras...
Ce ne serait pas bon pour les prochaines élections municipales....
Je me disais que finalement, je m'étais trouvée une alliée, le lieutenant Shee Lah n'allait peut-être pas être si à la botte que cela d'Aydann Crosswood, il avait l'air trés contrarié...
Il était temps de rentrer dare à dare à la maison et de clôturer toutes les portes de ma maison, histoire d'éviter une de ses visites punitives.
Résultat des courses : un point pour moi ! Ce soir, Aydann Crosswood serait obligé de se creuser les méninges pour trouver une explication à ces fameuses marques que Bertille et les femmes qu'ils avaient agressées possédaient sur le cou ! Finalement, la partie n'était peut-être pas perdue d'avance. La toile semblait se rétrécir autour d'Aydann Crosswood. Ce soir, tout mes amis étaient hors de danger.... Mieux valait pour Aydann Crosswood qu'il se tienne tranquille et qu'il évite d'attirer l'attention sur la "chose" qui rôdait à Riverview.
Je me dépêchais de préparer une salade, j'avais une soudaine hâte d'aller me coucher.
C'était bien la première fois que çà m'arrivait. Je débarassais rapidement et rangeais ma vaiselle sale dans l'évier. En montant les escaliers, j'aperçus encore mon téléphone : non décidément, je n'avais vraiment envie d'appeler personne. Pas ce soir en tout cas, demain peut-être...
Un bon bain plein de mousse pour me détendre d'une journée somme toute stressante, oui, c'était une bonne idée...
Enfin, j'allais retrouver mon lit...
A peine, étais-je couchée que je m'endormis encore lourdement saisie par un sommeil hypnotique.
"Je suis là, Jane. Rien que pour toi... comme promis..."
"Quelle ingrate, tu fais... tu n'as même pas vu les fleurs que j'avais déposée pour toi sur ta table... Décidément, Jane... tu ne fais attention à rien..."
"Si, à toi... Rien qu'à toi..."
"Menteuse..."
"Je mens rarement..." m'entendis-je ajouter d'une voix basse tandis que je me plaquais à lui tout en l'embrassant langoureusement...