JOURNAL DE JANE STEWARD (5)
J'avais fait un rêve étrange.
Comme si j'avais été observée toute la nuit...
Transie par la peur, je me réveillais en sursaut pour sortir de mon lit avec rapidité, étrangement poursuivie par cette sensation.
Je jettais un coup d'oeil partout.
Mais ma grande chambre était vide comme l'était la salle de bain.
Personne et pourtant... Il avait comme l'effluve d'un parfum dans l'air : un parfum doux et suave, musqué certainement, couvert par d'autres notes subtiles que je n'arrivais pas à définir.
Je frisonnais : Se pouvait-il que quelqu'un puisse venir jusqu'ici ?
Je vérifiais la fermeture de la fenêtre dans ma chambre, puis la porte d'entrée, mais tout était bel et bien clos.
Ma chambre étant à l'étage, elle n'était accessible que par l'escalier principal, et l'escalier donnait sur le rez-de chaussée.
Mince ! peut-être n'avais-je pas fermé la porte arrière donnant sur le jardin ?
Le coeur battant, j'allais m'assurer de mon oubli. Mais paniquée, je découvrais que j'avais bien tout fermé.
La peur s'empara de moi mais distilla aussi une montée d'adrenaline qui irradia sa chaleur dans tout mon corps, me laissant une agréable sensation.
J'osai les épaules en me disant que je devais certainement me tromper : Les rêves nous laissaient parfois d'étranges sentiments qui perduraient au réveil. Certainement les sentiments que les rêves nous procuraient et que notre cerveau gardait en mémoire.
La journée commençait à peine. Elle se promettait d'être agréable et douce et je n'avais pas l'intention de me prendre la tête avec des suppositions non étayées.
Je passais à la salle de bain, engloutissait une assiette de pancakes, puis allait chercher mon journal.
J'étais abasourdie. Le visage de l'épouse d'un de mes collègues de travail - Bertille Cheurlet - se trouvait en première page du Sunday Riverview : elle était morte la nuit dernière !
Son mari et ses amis étaient affligés par la terrible nouvelle et conviaient leurs amis et collègues à une cérémonie du souvenir au Funérarium de Riverview, aujourd'hui même.
Interloquée, je retrouvais au bas de l'article, l'adresse de Sébastian Crossfire. Ainsi sa maison servait de funérarium... et c'était lui qui s'occupait des cérémonies d'adieux avant de conduire les défunts au cimetière de Riverview.
Rien de plus naturel, puisque Sébastian était spécialiste des enterrements.
J'haussais les épaules en repensant à tout ce que j'avais trouvé la veille chez lui : les nombreux cercueils et les fleurs. Finalement, j'avais dû me tromper. Tout ce que j'avais vu dans ses sous-sols ne devait être que du matériel de travail et non pas une morbide exposition d'êtres décédés.
Mon imagination fertile commençait à me jouer des tours. Je devais être beaucoup plus posée dans mes affirmations et ne pas commencer à accuser sans preuves.
Tiens ! Pourquoi ne pas faire un tour à la bibliothèque et voir ce que je pourrai dénicher sur le sujet : culte des morts, vampirismes et tout le toutim. Cela me permettrait d'avoir des bases solides pour confirmer mes théses, et ce serait faire preuve de plus de sérieux.
Je bondissais à l'idée de pouvoir lire autre chose que des séquences génétiques sans fin.
Enfourchant ma bicyclette, je me dirigeais tout sourire vers la salle de lecture Wright. C'était Dimanche, il devait être environ dix heures du matin, et un magnifique soleil luisait sur notre ville.
J'entrais dans la salle tout en me rappelant que je devais absolument trouver un livre sur les pratiques et coutumes des vampires afin de mieux connaître mon sujet.
J'avais à peine poussée la porte de la bibliothèque que je fus surprise d'y trouver...
...Aydann CROSSWOOD
... qui se leva subrepticement...
Impossible de manquer à la plus simple des politesses : le saluer.
Même si il avait semblé vouloir me fuir au tout premier abord... (prestige de sa qualité de maire qui ne souhaitait pas être importuné par ses citoyens ou cachait-il quelque chose ?)
Il était apparemment ravi de me voir (Ou feignait de l'être...)
Avec emphase, il entama la conversation sur la bibliothèque et me dit qu'il était fier qu'une salle puisse être si riche en ouvrages que l'était la salle de lecture Wright.
Il se réjouissait aussi d'y voir ses concitoyens, et me félicita de venir en ce lieu propice à l'étude.
Puis tout-à-coup, je fus suprise de l'entendre me sussurer d'une voix profonde, tout derrière son haut-de-forme ...
"Et vous, Miss Steward, pensez-vous avoir trouvé ici ce que vous êtes venu chercher ?"
"Un livre, je présume..."
Il me dévisagea d'un air ironique en gardant un sourire intriguant sur les lèvres.
Cette fois, je pouvais voir son visage par cette proximité inespérée.
Il était aussi blanc que celui d'un mort, et ses yeux étaient comme deux flammes ardentes et brûlantes. Je frisonnais encore saisie par ce regard surnaturel, et manifestement, cela semblait l'amuser. Incapable de me laisser désarçonner, je décidais de contrattaquer à mon tour oubliant ainsi ses yeux rouges sur moi.
De tout go, je lui répondais que je cherchais des livres, spécialement sur les vampires et tout autres livres qui apporteraient des réponses à mes questions.
"Sur les vampires ! Quelle idée étrange... Miss Steward..." et il afficha un sourire agaçant avant de continuer d'un air faussement condescendant.
"Mais je ne suis pas surpris qu'un esprit aussi imaginatif que le vôtre, ne fonctionne pas comme celui de nos semblables..." continua t'il doucereux. "Bonne recherche, Miss Steward... J'espère que notre bibliothéque sera vous donner satisfaction... "
Et il me tourna le dos sans plus d'égard.
"Bonne journée, Monsieur Crosswood." lui répondais-je un peu pincée et encore agacée par son ton mielleux.
Pendant que je me dirigeais vers la première étagère juste celle qui se trouvait devant moi, je le sentais derrière moi, chercher quelque chose dans l'étagère opposée.
Je saisissais le premier livre venu... quelque chose me disait qu'Aydann Crosswood n'était pas là par hasard....
Je m'asseyais commençant ma lecture tout en le regardant du coin de l'oeil.
Il avait manifestement trouvé ce qu'il cherchait.
D'où j'étais, je pouvais le suivre des yeux. Tiens. Je n'avais pas vu que Maritza, une de ses domestiques étaient là dans la bibliothèque avec lui.
Et elle portait un livre dans la main.
Il semblait discuter avec elle. A moins qu'elle...
ne lui donnait le livre ! (Mais quel livre ?)
Je m'avançais vers eux pour en avoir le coeur net.
Oui ! Maritza venait de lui passer, ni vu ni connu, un livre... Et, le fourbe avait quitté la bibliothéque sans préavis !
J'haussais les épaules contrariée. Je ne le saurais pas aujourd'hui : ils venaient de partir tout les deux en emportant leur secret.
A moins que...
je pourrais rechercher, demain, sur l'ordinateur la liste des livres de la bibliothèque et savoir lesquels avaient été soustraits !
Facile alors de savoir quel livre intéressait Aydann Crosswood !
Pendant ce temps là, profitons d'être ici, pour trouver d'autres informations.
Je trouvais un livre sur les différentes créatures fantastiques abandonné devant la porte d'entrée, là où précisément Aydann se tenait lorsque je l'avais surpris dans la bibliothéque.
Comme c'était intéressant... finalement, je n'étais pas la seule à m'intéresser à ce sujet.
Mais quelle était la motivation Aydann Crosswood ? Me soustraire des informations importantes ?
A SUIVRE... - LIEN DIRECT VERS LA PARTIE SIX -